mardi 26 octobre 2010

Jeune fille moderne

La plus touchante de toutes les créatures
La plus absurde de toutes les beautés
La plus frustrante de toutes les entêtées
La plus douce de toutes les douleurs

La jeune fille moderne

Certaine du désir qu’elle inspire
Ignorante de la maladie qui l’habite
Noble de par sa stature incongrue
Puérile de par son autorité éphémère

Incarnée mille fois
Destinée toujours à la même mort
Elle ne désespère pourtant jamais
De la gloire que la nature lui promet

Les yeux fous des hommes sanguins
Les paroles éloquentes des séducteurs aguerris
Les couvertures des revues populaires
L’esprit de toute la société civilisée

Chérit, adule, idolâtre
La jeune fille moderne

Cette pseudo-dame si pathétique
Cette avare d’attention et d’affection
Cette pèlerine de l’impossible médiocre
Comme elle est belle!

Elle justifie tous les sacrifices
Elle projette toutes les utopies
Elle motive tous les conquérants
Elle compense tous les déshonneurs

Elle est si malheureuse
Cette fille si belle
Si malheureuse et si seule
Maintenant et pour toujours

Sa solitude est sa condamnation
Son unicité est son prestige
Son pouvoir est l’intuition de Freud
Sa mort est le quotidien d’Augustin

Et le nôtre : notre quotidien brutal

Où les vierges sont violées
Où les innocentes sont exploitées
Où les ingénues sont trompées
Où les saintes sont méprisées

C’est la mort; c’est la mort de la beauté
C’est la tragédie du romantique
C’est le succès du débauché
C’est notre époque

Maudits soient les hommes
Tous ces rapaces de la chair
De cette chair pure
Si facilement souillée

Oui, soyons maudits!
Nous tous, dont les instincts sont morbides
Une seconde de plaisir, une tombe éternelle
Une goutte de jouissance justifiant toute déchéance

Pauvre jeune fille moderne!
Quelle victime inconsciente de sa propre mort!
Quelle coupable inconsciente de sa turpitude!
Tous les anges pleurent sur son âme