lundi 29 septembre 2008

Hymnes nationaux

Parfois conçus comme des formalités génériques comparables aux drapeaux nationaux, je crois que les hymnes nationaux sont au contraire une certaine incarnation de ce à quoi une nation aspire : ils sont au moins un point de repère plus significatif (car verbalisé) qu’un drapeau pour les identités nationales. Je vous présente ici ceux de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Allemagne et du Canada suivis de quelques commentaires :


France : La Marseillaise
L’hymne français est de loin le plus militariste. Le refrain est « Aux armes, citoyens – Formez vos bataillons – Marchez, marchez – Qu’un sang impur abreuve nos sillons»; il y a mention de « féroces soldats » qui viendront « égorger vos fils, vos compagnes ». Aussi : « S’ils tombent, nos jeunes héros – La terre en produira de nouveaux ». Bien que ces passages et plusieurs autres soient étonnants à entendre la première fois, on en comprend la teneur lorsqu’on apprend que, avant d’être l’hymne national de la France, la Marseillaise fut un chant de guerre révolutionnaire. Ainsi, l’hymne français focalise sur la lutte contre la tyrannie et contre les envahisseurs étrangers : les deux ennemis mortels de la Révolution française. Il y a quelque chose d’indéniablement grandiose dans son air et dans sa tonalité : La Marseillaise est probablement très efficace pour galvaniser les sentiments collectivistes. Elle donne envie d’empoigner un drapeau et de foncer dans le tas!


Royaume-Uni : God Save the Queen
L’hymne britannique est manifestement médiéval. Il fut effectivement composé durant le XVIIe siècle, ce qui explique que Dieu et la Reine y occupent toute la place. Néanmoins, c’est un très beau chant, très noble et très posé. Contrairement aux autres hymnes qui réfèrent directement à la guerre, God Save the Queen fait l’apologie de moyens plus subtils pour atteindre la victoire : « Confound their politics – Frustrate their knavish tricks ». Un couplet qui n’est pas chanté dans ce vidéo dit aussi « Lord make the nations see – That men should brothers be – And form one family – The wide world over ». Ce sont des paroles plus paisibles mais non moins impériales que celles des autres hymnes : les méthodes de l’Empire britannique s’inspiraient de la même philosophie que l’hymne britannique. Pour ce qui est de la musique, elle est lente et élogieuse : distinguée. Tout à l’image des britanniques.


États-Unis : The Star-Spangled Banner
L’hymne américain est quelque peu particulier. Du côté musical, il a un style vraiment unique qu’il m’est difficile de qualifier. C’est une sorte de grandeur solennelle mais le rythme est retenu; héritage britannique, peut-être? Pour les paroles, on remarque d’abord qu’il est le seul hymne à faire l’éloge explicite et répétée de son drapeau, unifiant les deux symboles nationaux. Les références à la guerre sont presque aussi continues que dans la Marseillaise (surtout dans les couplets qui ne sont pas chantés dans cette vidéo), mais certains termes sont plus mécaniques que humains : « And the rocket’s red glare, the bombs bursting in air – Gave proof through the night that our flag was still there ». Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas parce que The Star-Spangled Banner fut écrit à une époque plus moderne, c’est parce qu’il fut inspiré par un siège naval du début du XIXe siècle. Deux vers du dernier couplet sont particulièrement intéressants vu l’actualité : « Praise the Power that hath made and preserved us a nation – Then conquer we must, when our cause it is just ».


Allemagne : Das Lied der Deutschen (le chant des Allemands)
L’hymne allemand est absolument mon préféré! On y parle de fraternité, de justice, de femmes et de vin : Tout ce qu’il faut dans la vie! Aussi et surtout, l’air est tellement entraînant! Le rythme de la musique est à la fois joyeux et énergique; écouter cet hymne me donne envie d’aller construire le monde. D’ailleurs, il y a certaines rumeurs selon lesquelles, avant d’être un chant national, das Lied der Deutschen fut une chanson à boire. Il ne faut pas non plus s’étonner que, de toutes les hymnes nationaux des principaux pays occidentaux, celui de l’Allemagne est le seul à ne pas mentionner la guerre puisqu’il fut choisit comme hymne national suite à la Deuxième Guerre mondiale. Il est ainsi le plus positif de tous les hymnes nationaux que j’ai entendus. La finale « Blüh’im Glanze dieses Glückes – Blühe, deutsches Vaterland» (Prospère dans l’éclat du bonheur – Prospère, partie allemande) est exceptionnellement axée sur le bien-être en comparaison des autres hymnes.


Canada : Ô Canada
L’hymne canadien révèle la simplicité canadienne: les prétentions ne sont pas aussi grandiloquentes que celles des autres grandes nations occidentales. Outre le passage « Ton histoire est une épopée des plus brillants exploits » - qui est bien relatif - le Canada ne s'affiche pas comme une nation particulièrement glorieuse. Il importe aussi de savoir que la version française est antérieure à la version anglaise; Ô Canada ne fut traduit que plusieurs dizaines d'années après sa popularisation parmi les canadiens-français. Il est quelque peu tragique qu'il soit maintenant un symbole honni par de nombreux nationalistes québécoise puisque ceux-ci en sont les géniteurs. Il s'agit néanmoins d'un chant noble et serein; je regrette qu'il ne soit plus possible d'en partager l'appréciation avec l'ensemble de mes compatriotes...