samedi 4 octobre 2008

Sélection naturelle


Un peu de darwinisme pour aujourd’hui. La théorie de la sélection naturelle, à savoir que les espèces les mieux adaptées survivent et que les autres disparaissent, est la plus généralement acceptée dans le monde scientifque pour expliquer l’évolution de l’humanité. Cette même théorie s’applique aussi à l’intérieur de chaque espèce: les membres les mieux adaptés de cette espèce transmettent leur héritage génétique alors que les autres sont écartés du processus reproductif. Ainsi, parmi les loups, toute la meute s’affaire à garantir la survie des rejetons du mâle alpha. De même, parmi les gorilles, seul le mâle le plus fort se reproduit avec toutes les femelles. Toutes les espèces ont un processus sensiblement différent pour déterminer quels membres verront leurs gênes se perpétuer et quels membres seront des branches mortes de leur espèce.

Quand on porte notre regard sur l’humanité moderne, il semble que la sélection naturelle ait perdu la plus grande partie de son sens. Bien sûr, les individus les plus beaux, les plus intelligents et les plus forts ont un certain avantage reproductif car il leur est plus facile de séduire les membres du sexe opposé mais tellement de facteurs viennent fausser cette donne que cet avantage ne veut plus dire grand chose. Le premier de ces facteurs est la contraception. Que les humains les plus beaux, les plus intelligents et les plus forts copulent ensemble ne fait pas d’eux les porteurs du patrimoine génétique de l’humanité s’ils utilisent des moyens contraceptifs. Un autre de ces facteurs est la monogamie. Si un individu est laid, stupide et faible, une culture monogame lui offre néanmoins de bonnes chances de reproduction puisque, le nombre d’hommes et de femmes étant presque égal, un membre de l’autre sexe sera probablement disponible pour lui malgré la piètre qualité de son patrimoine génétique. La monogamie est ainsi l’incarnation par excellence de l’égalitarisme génétique. On pourrait aussi penser à d’autres facteurs tels que la procréation assistée, l’avortement et tous les phénomènes humains qui délogent le critère de la supériorité génétique en tant que critère déterminant de la transmission des gênes. Face à tous ces facteurs, deux écoles de pensée sont possibles: Soit on rejette la validité de la sélection naturelle, soit on révolutionne notre conception de la sélection naturelle. Je désire discuter de nouvelles conceptions de la sélection naturelle.

La plus célèbre de ces nouvelles conceptions est la théorie qu’on nomme le “darwinisme social”. Selon cette théorie, les mieux adaptés ne sont pas ceux qui dominent les autres de façon traditionnelle, c’est-à-dire en monopolisant la reproduction, mais bien ceux qui dominent socialement. Le darwinisme étant fondé sur des critères génétiques, cette théorie y déroge largement en incluant des critères sociaux tels que le succès économique ou la popularité parmi les critères d’adaptation malgré que ces critères soient très peu susceptibles d’être transmis à la descendance. Cette théorie découle de la présomption selon laqulle les élites sociales sont composées d’invididus généralement plus beaux, plus intelligents et plus forts que la moyenne, et donc que la supériorité génétique produit une supériorité sociale. Je crois que cette logique est simpliste et superficielle puisqu’elle néglige le fait que d’autres facteurs sont déterminants au succès social. Par exemple, l’audace, bien qu’elle soit très utile pour gravir la hiérarchie sociale, n’est pas forcément un avantage en termes de survie. Ainsi, les élites sociales ne sont pas corrélativement les plus aptes à survivre. Le darwinisme social est une théorie qui visait à démontrer que, malgré toutes les nouveautés de la société moderne, la sélection naturelle continue son oeuvre en favorisant la survie des plus adaptés. J’oserais dire que cette démonstration est un échec intellectuel et qu’elle est aujourd’hui largement discréditée, en partie parce que les nazis l’utilisèrent pour justifier leur domination raciale.

Je propose une autre conception du darwinisme. Je rejette la logique selon laquelle la complexification des structures sociales nous obligerait à remplacer les critères génétiques par des critères sociaux. Le darwinisme est une théorie génétique : c’est la transmission effective des gênes qui déterminent qui sont les individus les mieux adaptés à la survie. Tout écart de cette logique m’apparaît comme une tentive pour démontrer des hypothèses autres que celle de la survie véritable des mieux adaptés. Je crois que, malgré les nombreux facteurs abordés plus haut qui faussent la survie des mieux adaptés au sens traditionnel, la sélection naturelle fait néanmoins son oeuvre au sein de l’humanité moderne avec la même intensité qu’elle le faisait pour l’humanité préhistorique. Bien sûr, la forme de cette sélection naturelle est radicalement différente mais elle n’est pas moins importante pour autant. Quelle est cette nouvelle forme de la sélection naturelle? Elle revient à l’essentiel: à la reproduction effective. Ainsi, si on examine les qualités des individus qui se reproduisent effectivement à notre époque, on remarque qu’ils ne sont pas les plus beaux, les plus intelligents et les plus forts. Pratiquement tous les individus ont la capacité de se reproduire grâce à la culture monogame. La seule qualité qui différencie clairement les reproducteurs des non-reproducteurs est la volonté de se reproduire. Puisqu’il y a tant de moyens de se reproduire si on le veut, et tant de moyens d’empêcher la reproduction si on n’en veut pas, c’est la volonté plus que tout autre facteur qui détermine la reproduciton effective. Ainsi, ce n’est plus la capacité mais la volonté de se reproduire qui caractérise les mieux adaptés à la survie.

Cette conception peut sembler incohérente à première vue mais, à bien y penser, elle concorde parfaitement avec l’esprit de notre époque. La religion n’offre plus de sens à notre existence par la foi, notre vie semble donc absurde. Nous sommes des individus insignifiants par rapport aux immenses masses humaines dont nous faisons partie, notre personne semble donc inutile. Nous voyons l’environnement se dégrader et les experts nous disent que le futur sera bien pire encore, notre avenir semble donc vain. Ce n’est pas sans raison que tant d’individus à notre époque sont dépressifs et suicidaires. Le plus grand défi de notre époque n’est plus d’avoir la force de vivre : c’est d’avoir la force de vouloir vivre! Ainsi, la simple volonté de se reproduire, de transmettre notre existence la plus viscérale à nos descendants, est effectivement la qualité qui fait de nous les mieux adaptés à survivre. Ceux dont l’instinct sexuel ne les porte pas strictement à copuler mais bien à procréer sont les individus les mieux adaptés de notre époque: Ils sont ceux dont le patrimoine génétique se perpétuera jusqu’à la prochaine époque. La sélection naturelle d’aujourd’hui fait son oeuvre ainsi: les instincts les plus sains font les esprits les plus forts qui créent les héritages les plus réels. À l’âge où le matérialisme a presque complètement envahit le domaine du spiritualisme, la nature garantit l’équilibre existentiel en faisait d’une qualité spirituelle le facteur déterminant de l’évolution de l’humanité.